La crise sanitaire actuelle est le catalyseur de transformations majeures des modes de travail et nombreuses sont les entreprises qui avancent déjà dans leur mise en œuvre.
Il importe de souligner que le succès de ces transformations passe par les managers, car ceux-ci incarnent le lien entre la direction générale et les salariés, portant au quotidien la mission de l’entreprise ainsi que ses objectifs. Selon la taille de l’entreprise et son organisation hiérarchique, il peut s’agir de managers de proximité ou de managers de managers.
Force est de constater que la période récente a apporté la preuve d’une très grande capacité d’adaptation et d’agilité des entreprises, quels que soient leur taille, leur stade de développement ou leur mode d’organisation. Les salariés ont souvent été porteurs d’un élan de créativité et d’inventivité qui ont permis aux entreprises de continuer à fonctionner et à servir leurs clients. Ces initiatives ont été soutenues par des directions générales qui ont opéré un rapprochement virtuel mais néanmoins réel de leurs salariés, mettant en place des espaces de discussions ouverts et réguliers, encourageant un dialogue direct et une efficacité de l’action, dans un climat de confiance qui a porté les salariés durant cette période. « Les salariés comme le management ont tout fait pour réussir ensemble » comme l’explique Béatrice le Terrec (DRH de BNP Paribas Leasing Solutions). A présent, et même si la situation demeure incertaine, une majorité de salariés souhaite qu’une telle fluidité organisationnelle se poursuive, en particulier via le recours au télétravail. De fait, venir au bureau n’est désormais plus un impératif pour le fonctionnement de l’entreprise et les collaborateurs aspirent à pouvoir s’organiser de manière flexible et autonome autour de leurs deux sphères de vie : leur domicile et leur entreprise.
Alors que de nombreux dirigeants se sont exprimés en faveur de davantage de flexibilité dans l’organisation du travail, il est nécessaire d’anticiper et de traiter les possibles résistances que la mise en œuvre de ces intentions pourrait entraîner, afin de faire se rejoindre les attentes des entreprises (faire revenir les équipes au bureau, recréer et maintenir une cohésion, remplir les objectifs en lien avec la stratégie d’entreprise) et celles des salariés (plus de télétravail, d’autonomie, de confiance…). Les directions des ressources humaines sont à pied d’oeuvre pour orchestrer cette transformation, 93% d’entre eux estimant, selon l’enquête ANDRH/BCG du 19 juin 2020, qu’une refonte des pratiques managériales sera nécessaire. Comme l’explique Tiffany Foucault (DRH du groupe FNAC-DARTY) : « Nous avons conservé l’habitude de points d’information réguliers, pour que les collaborateurs au sein d’un même département aient un niveau d’information équivalent. Des actions correctrices sont également mises en œuvre, selon ce qui nous est transmis via des enquêtes internes d’opinion que nous menons auprès de nos collaborateurs. Par ailleurs, nous lançons également des chantiers transverses, ouvrant la participation à nos salariés de manière élargie, pour faciliter la réflexion et la collaboration entre les individus ».
A cet égard, il semble aujourd’hui essentiel, alors que les entreprises réfléchissent aux nouveaux modes de travail et d’organisation, de consacrer une part significative de leurs actions à venir à l’accompagnement des managers afin que ceux-ci adoptent les transformations annoncées, avec enthousiasme et conviction. Pour cela, il convient d’analyser les résistances éventuelles en (i) identifiant les craintes et les croyances de ces managers, (ii) de lever les freins et les blocages qui créent cette résistance (à titre d’illustration, « les managers doivent intégrer le fait qu’être manager ne nécessite pas d’avoir toute son équipe à proximité », selon Béatrice le Terrec) et enfin, (iii) d’embarquer ces maillons indispensables de l’entreprise sur le chemin de la transformation qui s’annonce.
Par la suite, il nous semble nécessaire que les managers soient (i) parfaitement au clair sur le sens renouvelé de leur mission, notamment le fait qu’ils seront amenés à manager davantage mais différemment et (ii) rassurés sur leur place pleine et entière dans l’organisation. Cela permettra en retour qu’ils jouent un rôle moteur dans les transformations à venir et s’affirment comme les piliers de l’engagement des équipes, la locomotive d’un collectif. Les directions générales ont aussi un rôle majeur à jouer, celui de fixer et d’incarner cette nouvelle manière de manager.
Pour cela, les managers peuvent être accompagnés dans leur transformation, de manière personnalisée via du coaching individuel ou du mentoring mais également de manière collective. Par ailleurs, le partage d’expérience entre managers est essentiel (via du codéveloppement par exemple), favorisant l’échange de pratiques et visant à donner confiance et assistance à ceux qui en auraient besoin pour faire évoluer leurs pratiques managériales.
Comme l’explique Tiffany Foucault : « Durant la période de confinement, nous avons mis en œuvre des actions de formations destinées aux managers, sur des sujets tels que l’accompagnement d’équipes à distance et les enjeux liés à ce sujet. A présent, il s’agit de former ces managers à la cohésion d’équipe et au renouvellement du lien au sein d’équipes ayant eu des vécus différents de cette période. Pour cela, nous nous appuyons notamment sur les échanges entre les managers et leurs équipes ».
A cet égard, il est intéressant de noter que ces derniers mois ont fait la preuve de l’importance toute particulière de certaines compétences personnelles (« soft skills »). Les individus qui ont démontré des qualités d’adaptabilité, d’agilité, d’innovation, de mobilité ont semblé naviguer plus aisément durant cette période. Pour Béatrice le Terrec, « la démonstration de telles compétences devient un élément majeur dans le cadre d’un recrutement, prévalant sans doute même sur une expertise technique pouvant être acquise par ailleurs ».
Les années à venir s’annoncent donc riches en challenges pour les organisations et le chemin vers la croissance sera long. S’assurer de l’adhésion de l’ensemble des équipes au projet d’entreprise est donc indispensable et un tel accompagnement apparaît ainsi comme un investissement nécessaire au succès de toute organisation.
Comme le rappelle Béatrice le Terrec : « Les derniers mois ont été à la fois un extraordinaire accélérateur de transformation ainsi qu’un révélateur d’humanité des personnes, à tous niveaux. A présent, il importe de réussir cette transformation inéluctable, en s’assurant du maintien du lien entre l’entreprise et ses salariés. Pour bien fonctionner, les individus doivent se sentir attachés à leur entreprise, ce qui passe notamment par le lien entretenu et nourri avec leur manager, leurs collègues… ».
Là se situe la nouvelle mission des managers : interfaces du lien entre l’entreprise et ses salariés, promoteurs d’un niveau de communication de qualité, gardiens de la culture d’entreprise et garants de l’inclusion de tous les salariés au sein de leurs équipes respectives. Un beau challenge en perspective !